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Meurtre à la campagne (1ère partie)

Les faits

Nous sommes le lundi 17 février 1936. Il est 9 heures. Le téléphone sonne à la gendarmerie de Surgères. On nous annonce que la veuve Guilbot vient d’être trouvée « inanimée et baignant dans le sang », chez elle, à Saint-Georges du Bois. Aussitôt, les gendarmes se rendent sur place et constatent les faits.

Nous entrons dans la cuisine. La victime est étendue sur le dos. La tête, les mains et les cheveux sont couverts de sang. Nous remarquons une profonde entaille au cou et de nombreuses blessures sur la figure et le crâne. Une large flaque de sang s’étend sous la tête et les épaules de la victime. A côté de la défunte, nous trouvons un marteau sans manche, immaculé de sang. Quelques cheveux grisonnants y sont collés. Toujours près du corps, nous trouvons une paire de ciseaux à broder dont la pointe est ensanglantée.

Dans la cheminée, sur des cendres froides, nous trouvons un cache nez de laine tricotée, tâché de sang, et aux trois quarts calciné. Au-dessus de la cheminée, un miroir avec un cadre en bois portant des empreintes de doigts sanguinolentes. Dans le tiroir, sur les fourchettes et les cuillères, nous remarquons un long couteau à découper maculé de sang.

Sur la commode de la chambre à coucher, nous pouvons voir une bouteille de « Cointreau » aux trois quarts vide et devant laquelle se trouve deux petits verres, ayant contenu de cette liqueur.

La maison n’est pas en désordre. Nous retrouvons même la clef du coffre fort. Dans ce dernier, nous pouvons y compter un billet de mille francs et quatre billets de quatre cents francs.

Dans la boîte à lettres, nous trouvons pliés deux journaux, en date du samedi 15 et du dimanche 16 février 1936.

AD 17 - 2U3/3238
AD 17 – 2U3/3238

 

Il est midi. Docteur Gauguet procède à l’autopsie de la veuve Guilbot, sous le hangar attenant à la maison. Il conclut qu’en premier lieu, la veuve Guilbot n’a pas été violée et a reçu un coup de poing au visage. Elle a dû essayer de se protéger ou de se défendre car elle a plusieurs plaies superficielles au visage causées par un objet tranchant. Il observe une fracture du crâne. Celui-ci est enfoncé par un objet contondant. Mais la mort a été provoquée lorsque la victime était à terre par un objet tranchant au niveau des cervicales. Le meurtre remonte à 36 heures maximum, soit dans la nuit du samedi 15 au dimanche 16 février, 5 heures après le repas.

Menons l'enquête !

Nous allons commencer par interroger les personnes qui ont découvert le corps :

« Je me nomme Bonnet Gaston, âgé de 41 ans, profession de bourrelier, demeurant à Saint-Georges du Bois.

Je connaissais beaucoup Madame Guilbot, car 2 fois par semaine, j’allais à la gare de Saint-Georges du Bois, pour prendre livraison et transporter les caisses de poissons, achetées par Madame Guilbot à La Rochelle. […] Samedi soir, j’étais à la gare pour prendre livraison de sa marchandise, mais le facteur Garond m’a dit qu’elle n’était pas revenue. […] Ce matin, Monsieur Garond, s’étant inquiété de n’avoir pas revu Madame Guilbot, est venu me chercher pour entrer dans sa maison, qui était restée fermée. Je l’ai suivi et nous avons alors découvert le crime.

J’ai vu Madame Guilbot, pour la dernière fois, le vendredi 14 vers midi. Elle était dans les rues de Saint-Georges rentrant de tournée. […] Madame Guilbot a eu beaucoup d’amants, mais s’est fâchée avec tous. Le dernier que j’ai connu est Hazo.[…] »

Carte postale ancienne - Saint-Georges-du-Bois« Je me nomme Garond Honoré, âgé de 47 ans, profession de facteur des postes, demeurant à Saint-Georges du Bois.

Tous les matins, je me rends à la gare de Saint-Georges, pour prendre le courrier au train de 8h30. Tous les samedis, Madame Guilbot prenait ce train pour La Rochelle. Avant hier matin, je ne l’ai pas vu monter dans le train, comme d’habitude. Je ne m’étais cependant pas inquiété d’elle et c’est ce matin seulement, que Monsieur Martin, chef de gare, m’a fait remarquer que la maison de Madame Guilbot était fermée depuis samedi matin et qu’elle pourrait bien être malade. J’ai envoyé chercher Monsieur Bonnet qui connaissait les chiens et, nous avons découvert le crime. […]

Madame Guilbot a eu plusieurs amants. Il y a 2 mois environ, un individu d’une cinquantaine d’années, assez grand, brun et grisonnant sur les tempes, amputé de l’index, je crois de la main droite, les orteils déformant les chaussures, a vécu chez elle, plusieurs jours. Je l’ai vu 2 fois prendre le train de 8h30 pour La Rochelle. Il portait tantôt une casquette en cuir, tantôt un béret basque, pantalons noirs et veste de cuir noire. L’impression qu’il m’avait produite ne lui était pas favorable. […] »

Carte postale ancienne - Saint-Georges-du-Bois« Je me nomme Martin Ernest, âgé de 48 ans, chef de gare, demeurant à Saint-Georges du Bois.

J’ai été étonné, samedi matin, au train de 8h30, de ne pas voir Madame Guilbot, qui se rend régulièrement à la Rochelle, par ce train […]. Pendant la journée de samedi, je me suis rendu compte que la maison de Madame Guilbot était fermée. Ce même jour, au train de 18h35, je me suis rendu compte que l’ampoule électrique en façade de la maison de Madame Guilbot était allumée. […] Pendant la journée de dimanche, j’ai encore vu les volets fermés. Ce matin, […] j’ai été en parler à Monsieur Garond, facteur des postes. Il a été voir Monsieur Bonnet et ils ont découvert le crime. […] »

 

Maintenant, allons interroger les voisins de Madame Guilbot :

« Je me nomme Bonnin René, 40 ans, veilleur au passage à niveau n°55 à Saint-Georges du Bois. Le passage à niveau que je garde se trouve à 400 mètres environ de l’habitation de Madame veuve Guilbot. Tous les soirs, je prends mon service à 18 heures et je le quitte à 6 heures le lendemain matin.

Pendant la nuit, j’entendais fréquemment aboyer les chiens de Madame Guilbot, que cette dernière laissait en liberté dans sa cour. Je ne me rappelle pas d’avoir entendu aboyer ces chiens pendant les nuits des 14, 15 et 16 février courant. Je ne crois pas non plus que sa lampe de cour ait été allumée samedi soir, 15 courant, car lorsqu’elle l’est, elle donne dans les fenêtres de ma guérite. Et, ce soir là, je ne l’ai pas remarquée. Il se peut que le chef de gare ait aperçu la lumière de la cour de Madame Braud qui, habite à 150 mètres de chez Madame Guilbot. Je ne connaissais pas les fréquentations de Madame Guilbot […]. »

Carte postale ancienne - Saint-Georges-du-Bois« Je me nomme Michel Eglantine, épouse Comte, 48 ans, cultivatrice à Saint-Georges du Bois. J’habite à un peu plus de 100 mètres de la maison de Madame Guilbot.

Vendredi soir, 14 courant, je me suis couchée comme à l’habitude, vers 19 heures. Je me suis réveillée vers 23 heures et ai entendu les chiens de Madame Guilbot qui aboyaient furieusement, et d’une façon continue. Je me suis réveillée à plusieurs reprises, jusqu’à 2 heures le lendemain matin. Chaque fois, j’entendais les chiens qui aboyaient toujours aussi fort et continuellement.

Habituellement, ces chiens aboyaient, mais seulement lorsque des passants circulent sur le chemin, et jamais d’une façon continue, comme vendredi soir. »

 

Passons à la famille de Madame Guilbot :

« Je me nomme Vivien Henri, 45 ans, charbonnier à La Rochelle […]. Je suis fils d’un premier mariage de Madame Guilbot […]. Je présume que le meurtre a dû être commis vendredi soir 14 courant, car ma mère devait venir à La Rochelle, le samedi 15 et, je ne l’ai pas vue, pas plus que mon frère Vivien André […].

Mon neveu, Vivien André, fils de mon frère, dont je viens de parler, est venu passer 10 à 12 jours chez ma mère pour les vacances de Noël […]. Cet enfant, âgé de 12 ans, a dit que, pendant ses vacances, un homme âgé, selon lui, de 40 ans, grand, assez fort, vêtu d’un paletot de cuir fauve et coiffé d’une casquette de cuir, était venu passer 2 jours chez ma mère et y avait couché […]. »

« Je me nomme Vivien Marthe, épouse Rimasson, âgée de 34 ans, coiffeuse à Fougères en Ille-et-Vilaine. […] Pas plus que mes frères et soeur, je n’ai aucun soupçon sur l’auteur du meurtre. Cependant, avant Noël, nous avions reçu une lettre de ma mère, nous demandant la permission de se marier avec un monsieur qu’elle connaissait depuis 18 ans qui, était blessé de guerre et pensionné. Elle ajoutait qu’elle ferait suivant nos désirs.

Je l’ai déconseillé de faire cette chose, lui disant que cet homme ne convoitait que sa maison et son argent. Elle nous a répondu par une lettre qu’elle a fait écrire par mon neveu Vivien André, que c’était chose convenue et qu’elle ne se remarierait pas. Il n’en a plus était question depuis. Je n’ai jamais su qui était cet homme.

La lettre, par laquelle ma mère nous a fait part du désir de se marier, n’a certainement pas été écrite par elle, qui ne savait pas écrire, mais certainement par cet homme. Je ne peux pas la montrer, l’ayant détruite, car je ne pensais pas en avoir besoin par la suite.

Cependant, ce matin, nous avons découvert au domicile de ma mère, un papier portant quelques inscriptions, paraissant être de la même écriture que la lettre précitée. »

La personne à laquelle Madame Rimasson fait allusion doit être Pierre Fontaine. Le gendarme Déraze se souvient avoir interrogé Madame Guilbot, le mois dernier lors d’une enquête. Celle-ci avait déclaré que fin décembre 1935 ou début janvier 1936, elle avait revu une vieille connaissance, Pierre Fontaine, âgé de 50 ans environ, qui aurait laissé son vélo chez elle, un certain temps.

« Je me nomme Lesage Eugène, âgé de 46 ans, photographe à Fougères en Ille-et-Vilaine. Ma femme et moi, nous venions tous les deux ans chez ma belle-mère. […] Je ne connaissais pas ses fréquentations autres que celles de Hazeau, qui a vécu quelques temps avec elle. […] »

 

Il faut retrouver et interroger Hazeau et Fontaine…

 

 

 

Sources :

– Photo recherches d’indices :

http://galleries.apps.chicagotribune.com/chi-gangsters-grifters-chicago-crime-photos-20141112/

– Carte postale Saint-Georges du Bois :

http://www.archinoe.net/v2/ad17/visualiseur/carte_postale.html?id=170044400

– Carte postale campagne Saint-Georges du Bois :

https://www.geneanet.org/cartes-postales/view/243911#0

– Carte postale Gare Saint-Georges du Bois :

https://www.cparama.com/forum/saint-georges-du-bois-t29279.html

– Photo interrogatoire :

https://criminocorpus.hypotheses.org/26769

Coralie Verdier

Coralie Verdier

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